Justine, diététicienne au SAMSAH Prépsy

Alimentation & santé mentale : accompagner les jeunes en troubles psychiques émergents

L’alimentation et la santé mentale sont étroitement liées, notamment chez les jeunes accompagnés en SAMSAH.

En savoir plus sur l’intervention précoce.

Le rôle d’une diététicienne dans un service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) interroge. Comment intervenir en nutrition auprès des jeunes suivis pour des troubles psychiques émergents, dont les routines sont fragiles, dont l’énergie varie, et dont la relation à l’alimentation est influencée par les traitements, les symptômes et les réseaux sociaux ?

Justine, diététicienne au SAMSAH Prépsy, répond à ces questions par un parcours atypique et une pratique qui s’adapte chaque jour.

Alimentation et santé mentale : un parcours engagé auprès des 18–25 ans

Diplômée en 2020, elle commence son expérience professionnelle en soins de suite et de réadaptation. L’annonce du SAMSAH Prépsy retient alors son attention en 2024. Le public de 18 à 25 ans la motive. Elle connaît cette tranche d’âge en théorie et la pratique auprès de ces usagers est un challenge pour elle.

Nutrition et santé mentale : un champ encore peu enseigné

Dès le début de son expérience au SAMSAH Prépsy, elle constate l’importance de l’aspect diététique dans le traitement des troubles de la santé mentale, tout en déplorant que la spécificité de l’exercice dans la spécialité de la psychiatrie soit si peu abordée au cours de son cursus scolaire. « On a dû avoir deux heures sur les TCA. » Le reste concerne surtout la nutrition somatique, structurée autour du schéma “problème d’organe = solution alimentaire”.

L’alimentation est complexe, elle n’est jamais isolée. Elle interagit avec les symptômes, les traitements, la fatigue, les croyances, l’environnement familial, et les fluctuations de l’humeur.

Elle continue à enrichir ses connaissances via des supports fiables : « Podcasts, lectures, approche du G.R.O.S., échanges… J’ai dû revoir ma façon de travailler. »

Motivation, routine et éducation nutritionnelle

Son travail auprès des jeunes repose sur deux axes : la motivation et l’éducation. Beaucoup ont du mal à cuisiner, faire les courses ou maintenir une routine. Certains ne voient pas l’intérêt, absorbés par leurs études, leurs projets, ou leur état psychique. Justine structure, soutient, simplifie. Elle rappelle que l’alimentation forme un pilier essentiel, avec le sommeil et l’activité physique. Quand ces trois éléments sont plus stables, les traitements sont mieux tolérés, l’énergie se maintient et les symptômes peuvent être moins difficiles à gérer.

Consulter nos ressources sur les symptômes précoces.

Construire l’autonomie alimentaire au quotidien

Dans ses ateliers, les progrès sont visibles. « Au début, certains n’osaient pas casser un œuf », raconte-t-elle. D’autres craignaient d’allumer le four. Avec le temps, les gestes se répètent, les recettes se mémorisent, l’autonomie progresse. Elle valorise chaque étape. « Beaucoup n’ont jamais appris. Je répète que ce n’est pas grave si ça ne marche pas du premier coup. » Ces petites réussites jouent sur la confiance en soi, souvent fragilisée par le trouble psychique.

Croyances alimentaires et influence des réseaux sociaux

Elle observe aussi l’influence grandissante des réseaux sociaux. « Il y a une vraie cacophonie alimentaire. Tout le monde donne des conseils. Certains sont bons, d’autres non. Les jeunes ne savent plus quoi croire. »

Les livraisons de repas, la disponibilité permanente de nourriture et les discours rigides sur TikTok ou Instagram perturbent la perception et la représentation de la faim, de la satiété et du plaisir. Elle rappelle que cuisiner ne demande pas toujours du temps, mais un choix de priorité dans un quotidien déjà chargé.

Pour travailler sur ces représentations, elle crée trois questionnaires sur les croyances alimentaires : idées sur le cholestérol, place des produits laitiers, jeûne intermittent. Ces outils ouvrent la discussion. « Parfois, on parle une heure uniquement de ça. J’apprends comment la personne pense son alimentation. »

Une pédagogie adaptée aux troubles psychiques

Elle utilise aussi des métaphores simples. « La tête, c’est le PDG. Le corps et le cœur, ce sont les employés. Quand le PDG décide seul, ça finit par dérailler. » (Métaphore apportée par Nicolas Da Silva, diététicien nutritionniste formé en TCA, TCC et ACT)

Cette image l’aide à expliquer le danger des régimes stricts qui imposent une règle sans écouter les signaux du corps.

Travailler en équipe pluridisciplinaire au SAMSAH

Son travail s’inscrit dans une forte coordination. Elle intervient régulièrement en binôme avec l’enseignant APA, la psychologue, la neuropsychologue ou les soignants. Parfois, elle accompagne un jeune dans le rangement d’une cuisine. « Ce n’est pas de la diététique, mais ça fait partie de l’autonomie. On avance ensemble. »

Découvrir l’activité physique adaptée (APA).

Suivi clinique : poids, bilans et prévention du syndrome métabolique

Elle suit aussi des indicateurs cliniques : poids, périmètre abdominal, composition corporelle quand c’est possible, et bilans sanguins en lien avec les médecins. Le syndrome métabolique occupe une place importante : triglycérides, HDL, glycémie, tension, graisse abdominale. Elle nuance cependant l’usage du poids. « Le chiffre seul ne dit rien. Je regarde l’évolution, l’énergie, le sommeil, les projets. »

Elle rappelle aussi que certains traitements induisent des prises de poids pouvant atteindre 30 ou 40 kilos, et qu’intervenir tôt peut limiter l’ampleur de ces changements.

Un accompagnement continu et accessible

Entre deux rendez-vous, elle reste disponible par SMS ou téléphone. « Je leur dis qu’ils peuvent m’écrire du lundi au vendredi. Si c’est trop complexe, on fixe un rendez-vous. » Ce lien soutient la motivation, surtout lors des fluctuations psychiques.

Sa pratique s’inscrit dans une vision plus large. Elle souhaite produire des contenus sur les réseaux sociaux pour contrer certaines fausses informations, intervenir davantage en prévention dans les milieux scolaires et travailler sur la grossophobie. Elle défend aussi le remboursement des consultations de diététique. « La prévention est essentielle. »

« Écoute ton corps » : un point d’appui dans l’accompagnement nutritionnel

Si elle devait résumer son approche, Justine répond sans hésiter : « Écoute ton corps. »

Pour elle, beaucoup de difficultés alimentaires viennent du fait que “la tête prend toute la place”, au point de ne plus entendre les signaux du corps. Son travail consiste à remettre les trois dimensions autour de la table : la tête, le cœur et le corps. Une manière simple d’aborder des situations complexes, dans un contexte où chaque détail compte.

Regarder la vidéo de Justine.

Ces articles pourraient vous intéresser

stigmatisation-sante-mentale

La Stigmatisation en Santé Mentale

La stigmatisation en santé mentale reste un obstacle majeur pour les personnes concernées. Cet article explore ses conséquences, ses origines et les pistes d’action pour favoriser une meilleure compréhension et un accompagnement bienveillant.

Phénotypage digital en santé mentale : apports et limites

Le phénotypage digital utilise les données passives des smartphones et objets connectés pour observer l’évolution des troubles psychiques. Cette approche permet d’identifier des variations d’activité, de sommeil ou de routines, utiles pour comprendre les changements dans le fonctionnement quotidien et

SOS